Catalyser la demande : les minéraux critiques et le leadership du Canada au sein du G7

Le Canada a pris une initiative majeure vendredi en publiant un important communiqué sur les minéraux critiques à la clôture du G7. La principale innovation réside dans les achats directs que le gouvernement du Canada a effectués. Analysons cela étape par étape.   

Premièrement, pourquoi l’utilisation de mécanismes de prix est-elle importante ?   

Tim Hodgson, ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles du Canada, a déclaré vendredi : « nous devons assurer une stabilité de la demande et des prix pour permettre la construction de ces mines et de ces installations de transformation ».   

C’est exactement ce que nous avons soutenu, l’année dernière, dans notre article Obtenir des prix corrects : pourquoi le développement a-t-il été entravé, malgré les ambitions et la position avantageuse du Canada ? En bref, le problème réside dans l’incertitude de la demande, qui entraîne une incertitude des prix.  

Dans un article du Globe and Mail publié en septembre, j’avançais que, jusqu’à présent, la politique du Canada en matière de minéraux critiques s’est appuyée sur une variété de fonds, d’incitations fiscales et d’engagements en matière d’infrastructure, mais sans toutefois s’attaquer au principal défi en matière d’investissement : l’incertitude des prix.   

J’ai également fait valoir que le partenariat conclu entre MP Materials et le ministère américain de la Défense montrait la voie à suivre grâce à l’utilisation d’un mécanisme de fixation des prix par « contrat sur différence ».    

Je pense que c’est exactement ce que le Canada a fait avec son accord d’achat conclu avec Nouveau Monde Graphite. 

Alors, deuxièmement, comment le gouvernement a-t-il mis en œuvre, du côté de la demande, des contrats d’achats et des mécanismes de stabilisation des prix ?  

Voici les principaux points annoncés par le Canada concernant Nouveau Monde Graphite et le projet de scandium de Rio Tinto :  

  • Il s’agit d’achats directs par le gouvernement du Canada, dans le cadre desquels il s’engage à acheter 15 000 tonnes de graphite sur sept ans et 9 tonnes de scandium (soit environ 30 % du marché mondial).  
  • Les deux ententes comprennent des accords de commercialisation selon lesquels le gouvernement du Canada collaborera avec les entreprises pour trouver des acheteurs.   
  • Le Canada garantit ainsi la demande grâce à ces contrats d’achat, sans toutefois détenir ni utiliser les matériaux directement.   
  • Il s’agit d’une innovation importante en matière de politique publique : l’utilisation créative d’une liste de conditions pour obtenir un effet catalytique.   

 

L’accord avec Nouveau Monde Graphite semble être un contrat d’achat agissant comme un contrat sur différence.Voici les points clés de leur communiqué de presse :  

  • Le gouvernement du Canada s’apprête à obtenir 15 000 tonnes par an (tpa) de concentré de graphite sur la base d’un contrat d’achat ferme, à un prix fixe du marché nord-américain.  
  • Une liste de conditions de commercialisation relative au volume engagé par le gouvernement du Canada permet à NMG de commercialiser son volume et comprend un partage des profits en parts égales au-delà du prix fixe convenu.  

 

Qu’est-ce que cela signifie ?  

  • Le gouvernement garantit un prix minimum par tonne et accepte de partager les gains au-delà de ce prix en parts égales.  
  • Il s’agit d’un contrat d’achat fonctionnant comme un contrat sur différence : un prix de référence a été déterminé (non divulgué publiquement), et le gouvernement couvrira effectivement tout écart en dessous de ce prix, tout en partageant les bénéfices au-dessus.   
  • Les 15 000 tpa ne représentent qu’une partie de l’offre. L’annonce de vendredi comprenait également des contrats d’achat par Panasonic, Traxys (un négociant en métaux) et des discussions en cours avec GM.    
  • L’accord est soutenu par la participation en capital de 2024 du Fonds de croissance du Canada (environ 35 millions de dollars).   
  • Dans ces conditions, NMG doit être proche de la décision finale d’investissement (DFI). Le Fonds de croissance détient des mandats pour prendre environ 65 millions de dollars supplémentaires en actions au moment de la DFI.   

 

Il est naturel de se demander si la liste de conditions de Rio Tinto inclut le même mécanisme, bien qu’ils n’en auraient probablement pas besoin et qu’ils seraient moins susceptibles d’accepter un partage équitable au-dessus du prix de référence.   

Le choix des métaux est judicieux : le scandium est une terre rare utilisée dans les secteurs de l’énergie propre et de la défense, dont la Chine contrôle 85 % de l’approvisionnement raffiné. Le graphite est un minerai à double usage dont la Chine contrôle 95 % de l’offre, mais dont les prix ont fortement chuté en 2025. Ces interventions sont clairement ciblées pour diversifier l’approvisionnement de deux des métaux les plus concentrés.   

Toujours du côté de la demande, le gouvernement a également indiqué qu’il créera des stocks stratégiques de minéraux critiques et a entamé les démarches juridiques et techniques nécessaires à leur mise en place. Cela constituerait un outil supplémentaire axé sur la demande.   

Deux éléments de l’annonce permettront de créer de nouveaux actifs intermédiaires au Canada :  

  • Ucore Rare Metals reçoit 36,3 millions de dollars du gouvernement du Canada pour son projet de séparation des terres rares à Kingston. Ils ont signé des protocoles d’entente avec des entreprises des pays du G7, ce qui est une excellente nouvelle.  
  • Vianode (Norvège) installera une usine de graphite synthétique à St. Thomas. Cette opération sera appuyée par des lettres d’intérêt de EDC et de CIB. L’entreprise a conclu un contrat d’achat avec GM.  

 

Deux autres annonces intéressantes ont été faites :   

  • Torngat Rare Earths, précédemment soutenu par EDC et CIB, bénéficie d’un contrat d’achat de 10 ans avec Carester (France), une entreprise française en développement, spécialisée dans la séparation des terres rares, qui vise à démarrer la production à la fin de l’année 2026.   
  • Northern Graphite reçoit de bonnes nouvelles sous la forme d’une lettre d’intérêt de la part d’Alkeemia, une entreprise italienne en développement, spécialisée dans la purification du graphite.   

 

L’annonce de vendredi n’est, espérons-le, que le coup d’envoi de la contre-attaque canadienne.   

La mainmise de la Chine sur les minéraux critiques ne s’est pas construite du jour au lendemain. Elle est le résultat de décennies de politiques d’approvisionnement stratégiques et de déploiement patient de capital. Le Canada dispose enfin d’une réponse crédible : des contrats d’achat qui garantissent la stabilité des prix, sans la charge fiscale des subventions directes.   

Le Canada peut devenir l’arsenal de minéraux critiques du monde démocratique. Nous disposons déjà d’un patrimoine géologique et d’une expertise minière. L’ingrédient manquant a toujours été l’outil politique pour concrétiser le tout.  

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